Médiation et conciliation : des outils alternatifs face aux impayés

Les impayés sont un fléau fréquent dans le monde des affaires : factures non réglées, retards de paiement, litiges contractuels, etc. Médiation et impayés peuvent appartenir à la même phrase. Pour éviter systématiquement de passer par le juge, de plus en plus d’entreprises et de particuliers se tournent vers la médiation ou la conciliation face aux impayés.
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Les impayés sont un fléau fréquent dans le monde des affaires : factures non réglées, retards de paiement, litiges contractuels, etc. Médiation et impayés peuvent appartenir à la même phrase. Pour éviter systématiquement de passer par le juge, de plus en plus d’entreprises et de particuliers se tournent vers la médiation ou la conciliation face aux impayés. Ces modes alternatifs de règlement des différends (souvent appelés MARD ou MARC) peuvent offrir une solution plus rapide, moins coûteuse et plus souple. Cet article explore ces mécanismes, leur cadre légal en France, leurs limites, et leur intérêt dans le contexte des impayés.

Qu’est-ce que les MARD ? Définitions et enjeux

Définition des MARD / MARC

Les Modes Alternatifs de Règlement des Conflits (souvent abrégés en MARC ou MARD pour « Modes Alternatifs de Règlement des Différends ») désignent des processus de résolution de litiges sans recours direct au procès judiciaire, impliquant généralement un tiers neutre.
Selon le Conseil départemental de l’accès au droit, ces modes « mettent l’accent sur la capacité des parties à trouver par elles-mêmes une solution, avec l’aide d’un tiers » plutôt que de laisser un juge trancher.

 

Principaux MARD

Parmi les plus connus :

Enjeux des MARD

  • Rapidité : ces démarches sont souvent plus rapides que le contentieux judiciaire. PIVOINE AVOCAT (Maître Ghislaine BETTON)

  • Coût : elles peuvent coûter moins cher qu’un procès, car pas (ou peu) de frais de greffe, moins d’avocats, et parfois des médiateurs rémunérés mais à un coût maîtrisé. PIVOINE AVOCAT (Maître Ghislaine BETTON)+1

  • Confidentialité : contrairement à un procès public, la médiation ou la conciliation sont généralement confidentielles. CDAD Côte d’Or

  • Maîtrise et autonomie : les parties gardent la main sur la solution, et peuvent co-construire un accord ; ce n’est pas le juge qui impose la décision. think-tank.leclubdesjuristes.com

L’article 750-1 du Code de procédure civile : obligation de tentative amiable

Un point fondamental en matière civile : l’article 750-1 du Code de procédure civile (CPC).

Origine et rétablissement

  • L’article 750-1 avait été introduit par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, imposant une tentative préalable de résolution amiable pour certains litiges.

  • Cette obligation a ensuite été annulée par le Conseil d’État (décision du 22 septembre 2022, n° 436939).

  • Elle a été rétablie par le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023, applicable aux instances introduites à compter du 1er octobre 2023.

Contenu de l’obligation
L’article 750-1 dispose que, à peine d’irrecevabilité, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de :

  1. conciliation menée par un conciliateur de justice ;

  2. médiation ;

  3. procédure participative.

Cette obligation s’applique lorsque :

  • la demande tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 €

  • ou lorsqu’elle concerne certaines actions listées (par exemple, des actions en bornage, ou des troubles anormaux du voisinage selon les articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire).

Exceptions / dispenses
L’article 750-1 prévoit plusieurs cas de dispense de cette obligation :

  1. Si au moins une partie sollicite l’homologation d’un accord.

  2. Si un recours préalable est imposé (par exemple, dans certains contentieux administratifs ou fiscaux). 

  3. Si un motif légitime rend la tentative impossible : urgence manifeste, circonstances particulières, ou indisponibilité d’un conciliateur dans un délai raisonnable. Depuis la réforme, ce délai “raisonnable” est précisé : si la première réunion de conciliation ne peut être organisée dans un délai de plus de trois mois à compter de la saisine, l’indisponibilité est considérée comme un motif légitime.

  4. Si le juge ou l’autorité administrative doit déjà “en application d’une disposition particulière” procéder à une conciliation préalable.

  5. Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, selon l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution. 

Sanction du non-respect
Le non-respect de cette obligation de tentative amiable peut conduire à l’irrecevabilité de la demande judiciaire, et le juge peut le déclarer d’office.

Médiation et conciliation : définitions, différences et fonctionnement

Pour bien comprendre les modes alternatifs, il faut différencier médiation et conciliation, deux des principales voies amiables :

Médiation

  • Processus par lequel un tiers neutre, le médiateur, accompagne les parties dans la recherche d’un accord, sans imposer de solution. 

  • Le médiateur est impartial, indépendant, et n’a pas de pouvoir de décision : il aide les parties à dialoguer, à reformuler leurs positions, à trouver des solutions mutuellement acceptables.

  • La médiation peut être judiciaire (proposée par un juge) ou conventionnelle / extra-judiciaire (les parties décident d’y recourir volontairement).

  • Nouveauté : selon certaines réformes récentes, la durée maximale d’une mission de médiation a été limitée (par exemple à 5 mois renouvelables selon le décret du 18 juillet 2025).

  • Confidentialité : les échanges sont généralement confidentiels, ce qui encourage l’ouverture.

Conciliation

  • La conciliation implique également un tiers, le conciliateur, mais la nature de son rôle est différente : il peut proposer des solutions (avis), mener des investigations, et aider à fixer un accord. 

  • Le conciliateur peut avoir des pouvoirs d’enquête, par exemple interroger les parties, examiner des pièces, ce que le médiateur ne peut pas toujours faire avec autant de latitude.

  • La conciliation peut être judiciaire (le conciliateur de justice est saisi via le tribunal) ou extra-judiciaire / conventionnelle.

  • Gratuité : le conciliateur de justice est souvent bénévole ou rémunéré très modestement, ce qui rend la conciliation très accessible.

  • Si un accord est trouvé, un procès-verbal de conciliation est dressé, pouvant être homologué par un juge.

Différences clés

  • Le médiateur facilite le dialogue ; le conciliateur propose plus activement des solutions.

  • Le médiateur est plus “doux” en termes d’intervention ; le conciliateur peut mener des enquêtes plus poussées.

  • La médiation est souvent payante, selon le médiateur ; la conciliation de justice est généralement offerte par l’État via des conciliateurs bénévoles.

Domaines d’application des MARD en matière d’impayés - conciliation et médiation en matière d'impayés

À quel point la médiation ou la conciliation sont-elles pertinentes pour les impayés ? Voici les principaux cas d’application :

  1. Litiges entre entreprises

    • Le Tribunal de Commerce reconnaît les MARD pour les “exécutions de contrats et impayés”.

    • Pour les entreprises, la médiation ou la conciliation peut permettre de trouver un accord sur le paiement, des échéanciers, ou des remises partielles, tout en préservant la relation commerciale.

  2. Petits litiges civils / “créances modestes”

    • En vertu de l’article 750-1 du CPC, lorsqu’une demande vise le paiement d’une somme inférieure ou égale à 5 000 €, la tentative amiable est obligatoire. Cela peut concerner des factures impayées, des créances de particuliers ou des litiges entre petites structures. 

    • Ce mécanisme vise à désengorger les tribunaux et à éviter des procès coûteux pour des petits montants.

  3. Litiges liés au voisinage

    • L’article 750-1 couvre également certains litiges comme les troubles anormaux de voisinage, les questions de bornage, d’élagage, etc. 

    • Même si ces litiges ne sont pas directement des “impayés”, ils montrent l’étendue de l’application de la tentative amiable.

  4. Litiges commerciaux avec clause de médiation

    • Dans les contrats commerciaux, il est fréquent d’insérer une clause de médiation : en cas d’impayé, le client et le fournisseur doivent d’abord recourir à la médiation. Le non-respect de cette clause peut entraîner l’irrecevabilité de la demande judiciaire (selon la jurisprudence).

    • Cependant, il n’y a pas d’obligation légale générale de médiation en matière commerciale, sauf si le contrat le prévoit. 

Limites et exceptions : injonction de payer, BtoB, exceptions à 750-1 CPC

Même si les MARD sont puissants, il existe des limites et des cas où ils ne s’appliquent pas aussi facilement.

Exclusion pour l’injonction de payer

  • L’injonction de payer est une procédure d’exécution simplifiée pour obtenir un titre exécutoire contre un débiteur. Dans bien des cas, cette voie est plus rapide que la médiation et peut être privilégiée.

  • Selon le site du conciliateur de justice, la conciliation préalable n’est pas nécessaire pour les petites créances via injonction de payer. 

  • Cela signifie que l’obligation de tentative amiable (article 750-1) ne s’impose pas nécessairement avant une injonction, selon l’interprétation ou selon les circonstances locales.

Médiation non obligatoire en matière commerciale

  • Comme vu, le droit commercial n’impose pas de médiation de façon générale : l’article L611-1 du Code de commerce encourage les MARD, mais ne les rend pas obligatoires.

  • Une clause contractuelle peut rendre la médiation obligatoire, mais cela dépend du contrat : si une partie déclenche directement une action judiciaire sans passer par la médiation prévue, la demande peut être jugée irrecevable selon la jurisprudence (par exemple Cass. 2e civ., 22 sept. 2016, n° 15-17 975).

  • De plus, des réformes récentes (par exemple un décret évoqué dans des sources) peuvent imposer une médiation préalable obligatoire pour certains litiges commerciaux (selon certaines conditions, comme un montant entre 5 000 € et 100 000 €), mais cela dépend de la mise en œuvre et des exceptions.

Autres exceptions à l’article 750-1

  • Urgence manifeste : si la situation nécessite une décision rapide, la tentative amiable peut être dispensée.

  • Indisponibilité des conciliateurs : si aucun conciliateur ne peut organiser une première réunion dans un délai de plus de trois mois, cela peut constituer un motif légitime de dispense.

  • Recours préalable obligatoire : certains litiges imposent déjà un recours administratif ou autre avant d’aller en justice, ce qui peut dispenser la partie de la tentative amiable.

Avantages concrets de la médiation et conciliation dans le recouvrement des impayés

Enfin, pourquoi recourir à la médiation ou à la conciliation quand on veut recouvrer des impayés ? Et comment bien le faire ?

Avantages

  1. Préservation de la relation commerciale

    • En médiation ou conciliation, les parties collaborent pour trouver un terrain d’entente (par exemple un échéancier), ce qui peut préserver la relation client-fournisseur. Cela évite les ruptures brutales qui surviennent souvent après un procès.

  2. Réduction des coûts et des délais

    • Les frais d’un procès (honoraires d’avocat, frais de greffe, consignations) peuvent être bien plus élevés que ceux d’une négociation avec un médiateur ou un conciliateur.

    • Les MARD sont souvent plus rapides : pas d’attente d’audience, pas de calendrier judiciaire strict.

  3. Flexibilité et créativité de l’accord

    • Les solutions trouvées peuvent être plus personnalisées : paiement échelonné, remise partielle, compensation, bon d’achat, etc., ce que le juge ne peut pas toujours offrir.

    • Les parties construisent ensemble un accord, ce qui augmente l’adhésion et la probabilité de respect.

  4. Confidentialité

    • Les échanges, propositions et contre-propositions ne sont pas publics, ce qui protège la réputation des entreprises.

  5. Réduction de la charge sur la justice

    • L’obligation 750-1 (quand elle s’applique) contribue à désengorger les tribunaux en filtrant les petits litiges via des processus amicaux.

Bonnes pratiques pour utiliser efficacement la médiation / conciliation

  • S’assurer de la légitimité du médiateur / conciliateur : Choisir des professionnels qualifiés, inscrits sur des listes officielles, expérimentés dans les conflits commerciaux ou dans les impayés.

  • Inclure des clauses dans vos contrats : Prévoir une clause de médiation ou conciliation dans les contrats clients/fournisseurs peut faciliter le recours à ces modes, et parfois rendre leur usage obligatoire contractuellement.

  • Documenter la tentative amiable : Garder des preuves (courriers, emails, attestation du médiateur, procès-verbal du conciliateur) permet de démontrer que la tentative a bien été faite si l’affaire finit devant un juge.

  • Préparer un “plan B” : Si la médiation échoue, prévoir d’autres voies (injonction, contentieux) ; la tentative amiable ne bloque pas toujours définitivement les autres solutions.

  • Communiquer clairement avec le débiteur : Proposer la médiation comme une alternative positive, non punitive, pour éviter le conflit judiciaire – cela peut déjà encourager le client à reconsidérer sa dette.

Conclusion sur la médiation et la conciliation en matière d'impayés

Les impayés peuvent être un cauchemar pour les entreprises, mais la médiation et la conciliation offrent des voies réalistes et souvent sous-utilisées pour résoudre ces conflits à l’amiable. Grâce à des mécanismes comme l’article 750-1 du CPC, il existe désormais un cadre légal en France qui oblige, dans certaines situations, une tentative préalable, ce qui encourage fortement les parties à dialoguer avant de lancer des actions judiciaires.

Cependant, ces modes ne sont pas universels : il y a des exclusions, notamment pour l’injonction de payer, ou quand la médiation n’est pas prévue contractuellement. Pour tirer pleinement parti des MARD, il faut les intégrer dès la négociation de contrats (clause de médiation), bien choisir les médiateurs/conciliateurs, et documenter les démarches.

Dans le contexte des impayés, la médiation et la conciliation peuvent non seulement aider à recouvrer des créances, mais aussi préserver les relations commerciales, économiser du temps et de l’argent, et offrir des solutions plus souples et personnalisées que le contentieux pur.

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